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le carnet vert
13 mars 2006

un trajet ordinaire

Je recule dans une place libre pas trop loin de l’escalier. Je coupe le moteur de la voiture blanche. La radio s’éteint toute seule. J’éteins les phares. J’ouvre la portière. Ça donne un coup dans la bétaillère d’à côté. Tant pis. Ils n’ont qu’à conduire une voiture normale. Je prends mes affaires et je sors. Je verrouille les portières. Je boutonne mon manteau et je me dirige vers l’escalier. Je monte en vitesse les trois étages. Un peu essoufflé je pousse la porte métallique. Coup de chance, cette fois je me souviens qu’elle s’ouvre du côté gauche. Pour rejoindre la rue je marche quelques dizaines de mètres sur des dalles en ciment qui bougent sous mes pas, ce qui produit un bruit qui résonnent sur les façades des immeubles. À un endroit il reste encore un peu de la neige de samedi. C’est un peu glissant. Je débouche dans la rue et je râle intérieurement parce qu’il y a encore des bagnoles arrêtées sur le trottoir. Je suppose que ce sont celles des gens qui emmènent leurs mouflets à la crèche voisine, mais cela n’excuse rien. Je m’engage dans la rue de Magenta. La partie basse est assez pentue et permet ainsi une brève marche un peu sportive. Plus haut la rue devient horizontale, et rectiligne. De chaque côté les boutiques sont encore endormies, et le resteront toute la matinée, voire toute la journée pour certaines, on est lundi. Dans la vitrine du fleuriste je repère des bouquets sympathiques, j’en achèterai un en fin de semaine, Elle sera contente. Je traverse la place d’Armes en utilisant les passages piétons, bien discipliné je suis. En passant devant le théâtre, je jette un œil aux affiches. Il y a un film avec Benoit Poelvoorde. Ce sera peut-être une bonne idée d’aller le voir, s’il n’y a rien d’intéressant dans notre petit ciné associatif de campagne. Au coin de la place, je tourne dans la rue de la Marne. Et c’est à cet endroit précis que me vient cette idée incongrue, il peut arriver n’importe quoi, je peux affronter n’importe quel deuil, il faut s’y attendre, mes parents sont maintenant âgés, je sais ce que c’est que la douleur, j’ai eu l’habitude de vivre avec. Il peut arriver n’importe quoi, dis-je, ceux qui me sont les plus proches, Elle, mes enfants, mes parents, enfin ceux que j’aime, l’un de ceux-là peut disparaître du jour au lendemain, ma douleur sera atroce, oui, et peut-être que personne ne la devinera, la souffrance est le lot de chacun, et ça ne m’empêchera pas, un autre lundi ordinaire de remonter la rue de Magenta, de traverser la place d’Armes dans les clous et de m’engager dans la rue de la Marne, après avoir regardé d’un œil furtif les affiches du théâtre, comme si de rien n’était.

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Commentaires
P
bon retour parmi nous, Mirae :-)
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M
C'est tellement bien écrit, la vie, la mort, comme un tout inévitable et pourtant nous continuons à avancer.
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P
Pralinette, oui la vie a le dernier mot. :-)<br /> Miss julie, les fleurs sont déjà passées ! mais tu as raison : chaque jour est précieux.
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P
J'y avais beaucoup pensé aussi... mais c'est bien autre chose que ce que l'on peut imaginer. Ce texte me touche et tu sais pourquoi. La Vie a toujours le dernier mot.
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M
Je ne trouverai pas les mots pour commenter ta note si bien écrite car malheureusement je suis passée par là trés récemment...Mais je ne suis pas ici pour parler de moi...<br /> Le bouquet de fleurs, je serais toi, je l'achèterai tout de suite...chaque jour qui passe est précieux...et il faut tout faire pour les rendre encore plus merveilleux.<br /> kisses<br /> Miss julie
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