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le carnet vert
12 avril 2018

les arques

Après une dernière montée de la route étroite, voici enfin le village. Un parking à droite. Elle se gare et coupe le moteur. Nous sortons de la voiture. Le silence nous accueille. On ne le dira jamais assez, mais la notion de silence est illusoire. En ce printemps revenu (tardivement), les oiseaux donnent de la voix. Rien d’exotique. Des mésanges, des chardonnerets, des moineaux. Au loin le doux chant d’une tondeuse nous rappelle la présence de l’humain. Nous sommes en manches courtes pour la première fois de l’année. Il était temps. Nous montons vers le village, appareils photos sur le qui-vive. Nous trouvons une petite place enherbée, piquetée de pâquerettes, devant la petite église. J’entre. Il fait encore frais. L’intérieur me semble étrange, fait de quelques vestiges rongés par le temps et d’une nef boisée. Le mot nef prend tout son sens par la similitude d’aspect entre la voûte d’une église et la coque d’un voilier ancien. Je me retourne. Au-dessus du portail un grand christ de bois torturé tend ses bras décharnés vers le ciel. Je pense « tombé du ciel », et me vient l’envie de fredonner, non de chanter à tue-tête, et je regrette de ne pas être capable de retenir plus de deux mots d’une chanson. Finalement je n’en fais rien, bien sûr, je n’ai pas été élevé comme ça, dans une église, en dehors des messes on fait silence. Le christ est un hors d’œuvre. Dehors, dans les recoins des murs se dressent quelques statues de bronze, de ces formes anguleuses et émouvantes comme nous en avons déjà vues au musée parisien consacré à Ossip Zadkine, et même disséminées dans le jardin du Luxembourg. Dans le musée nous admirons peintures et sculptures de l’artiste. Certaines, taillées brutalement dans d’énormes troncs d’orme, sont imposantes. Je sais d’avance que si je prends des photos, je ne pourrai rien en faire : les statues sont trop grandes, je ne peux les fixer qu’en contreplongée. Je déclenche quand même. Et puis je prends des détails, je joue avec les lignes de bois, les nuances de blond. Nous restons assez longtemps, je crois. Il me semble qu’Elle aime cet endroit, que j’ai déjà visité sans elle, voici cinq ou six ans. J’en suis heureux. Nous ressortons pour errer dans les rues du village. A sa tourelle, nous reconnaissons la maison dans laquelle ont vécu l’artiste et son épouse. Je m’accoude à un muret. Nous dominons la campagne. Je me prends d’amour pour un chemin qui s’enfonce dans un sous-bois, clic, clac, merci Kodak. J’ai besoin du grand angle pour photographier l’église en entier, sur fond de ciel bleu strié de quelques nuages effilochés. J’ai encore de la musique en tête. Je souris. Il y a quelques heures la radio nous a appris le décès de Jacques Higelin. Je devrais être triste. Je le suis sans doute. Et pourtant j’ai envie de rire au souvenir de chansons entendues des centaines de fois, et des concerts auxquels j’ai assisté autrefois, ou bien devrais-je dire participé ? C’était le genre de fête où on se sent en communion. Le chanteur savait faire cela : donner aux gens ce sentiment de joie et de communion. Nous rangeons les appareils et nous repartons par une route sinueuse et étroite. Nous restons empreints du bois sculpté, du bronze et des chansons, apaisés.

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