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le carnet vert
5 février 2016

les baraques du 14

À travers la vitre sale du wagon, je vois des arbres. Des peupliers plantés en rangées régulières, décharnés par l’hiver, certains abattus par une ancienne tempête. Éclairés par le couchant, se détachant ainsi en harmonie sur le fond sombre du coteau, ces arbres m’en rappellent d’autres, il suffit de peu, et le voyage ferroviaire est propice à la rêverie.

Nous étions venus en forêt. Si ma mémoire est bonne, le temps était doux pour décembre, mais l’humidité ambiante nous incitait à garder les manteaux fermés. Nous enfoncions un peu dans un tapis spongieux de feuilles et de mousse. Nous nous sommes promenés parmi les baraques des charbonniers d’autrefois. On avait conservé dans une clairière les témoins d’une vie oubliée, de métiers qu’on ne pratiquait plus. Incongrus dans ce lieu isolé, des panneaux explicatifs nous en apprenaient les codes.

La lumière était chiche, bien que le ciel fut dégagé. Nous prenions des photos. Les baraques, maintes fois pixellisées déjà. Les arbres. Un rayon pale éclaira soudain un fourré, au milieu duquel s’élevaient quelques chênes. J’ai eu l’idée d’immortaliser la scène. Quand je contemple ce cliché, aujourd’hui, j’ai l’impression d’un foyer, de flammes qui s’élèvent claires en crépitant, d’une scène vaguement mystique, dans un mouvement vertical me rappelant les tableaux du Greco contemplés autrefois dans un musée de Tolède.

Nous nous sommes engagés sur un sentier herbeux. Nous allions finir par avoir les pieds mouillés. Le chemin serpentait dans la forêt. Nous savions la route proche, mais nous nous amusions à nous croire perdus, d’autant que le soir venait vite et que personne ne passait. Nous nous délections du silence. Un silence relatif, bien entendu, puisqu’il me semble bien me rappeler que je percevais avec netteté le chant humide et ténu des branches s’égouttant des restes de la dernière averse.

Au bord d’un semblant de clairière, nous avons découvert le chêne à vœux qu’un modeste panonceau de bois nous avait indiqué. Des centaines de petits papiers pliés étaient enfoncés dans les rides de sa vénérable écorce. Nous étions bien tentés d’en défroisser quelques-uns, histoire d’avoir idée des prières du monde, mais nous savions que c’eut été sacrilège, alors nous nous sommes abstenus. Nous ne saurions rien des petites ou des grosses misères des gens. Nous nous contenterions de rentrer, avec l’espoir d’une boisson chaude, et un peu d’émotion au cœur.  

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Commentaires
P
"... nous nous amusions à nous croire perdus... "<br /> <br /> J'adore :)
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