gartempe

Ce matin, mes genoux sont encore rouges à force d’avoir heurté les rochers. Je ne m’en plains pas. Au contraire j’en éprouve de la tendresse. Nous avons nagé dans la rivière. L’évènement est banal et mémorable à la fois, car cela fait combien de temps, peut-être dix ans. Plus ? Peut-être plus. Nous avons nagé dans notre rivière, à un endroit où il y a suffisamment d’eau. Debout au milieu, j’avais de l’eau jusqu’au menton. Il se peut même que je n’avais pas pied partout. Je me suis dit que j’allais nager jusqu’aux rochers qui barraient l’amont, assez loin de nous. A l’endroit où nous nous trouvions, le courant n’était pas violent, cela me paraissait un objectif assez modeste. Les enfants et Elle m’ont suivi. Quand à force de heurter les rochers, je me suis échoué, pensant les attendre avant de faire demi-tour, j’ai eu la surprise de les voir me dépasser, décidés comme des crabes, se jouant des masses glissantes et du courant devenu plus violent. Elle allait devant. Son but n’était pas le mien. Il s’agissait pour elle d’atteindre l’Abreuvoir, cette minuscule plage de sable grossier où nous venions nous baigner autrefois, et il n’était alors pas question de nager, juste de se tremper et d’escalader les gros blocs de granit gluants, au risque de se blesser. J’ai peiné pour les rejoindre à l’Abreuvoir. Sans doute étais-je moins volontaire qu’Elle. J’ai bataillé avec les rochers. Notre rivière a cette particularité de charrier une eau sombre, presque noire, parfois dorée dans les rayons du soleil. Les blocs sont tapis à moins de dix centimètres de la surface. Pour autant on ne les devine pas toujours. Et puis on glisse, on trébuche, on heurte. Voilà l’origine du rouge sur mes genoux. Seul je me serais contenté de nager là où l’eau est assez profonde. Mes souvenirs lointains ne sont pas ancrés ici. Mais je me suis laissé conduire sans rouspéter. Elle avait plaisir à retrouver les lieux où enfant elle avait appris à nager. Elle avait plaisir et cela me faisait plaisir.