soleil levant
Sur le flanc nord de « l’open-space », là où j’apprécie d’œuvrer quand la canicule se joue des stores, c’est-à-dire pas en ce moment, sont accrochées des reproductions de tableaux. Sur le flanc sud aussi, mais je n’y transpire pas. Il n’y a pas de logique particulière à cet accrochage, je crois. Chaque personne a dû un jour choisir son tableau préféré dans un catalogue, et son tableau a été fixé le plus près possible de son bureau. Sauf que les gens changent de place, partent en retraite, s’évaporent. Les tableaux restent. Immuables. En mon temps, j’avais choisi une vue de Venise un peu floue, peinte par Turner. J’ai changé d’emplacement. J’ignore ce qu’est devenu mon Turner. Il m’a suivi un temps dans un local où je ne suis plus. Il n’y est plus non plus. Dans mon champ visuel actuel, je peux admirer des iris peints par Van Gogh, Impression soleil levant (nettement plus grand que l’original), et un paysage vaguement cubiste de Paul Klee. Je les aime tous les trois. J’ai néanmoins une tendresse particulière pour le tableau de Claude Monet. Peut-être tout bêtement parce que j’aime les soleils levants, où qu’ils soient, à la ville, à la campagne, le long d’une route nationale ou derrière la bonde d’un étang. Lorsque mon regard se porte sur le tableau, il est oblique. Mon regard. Le tableau aussi, par conséquent, puisqu’il ne me fait pas face. Je distingue à peine ses reflets rougeoyants et ses fumées industrielles depuis longtemps éteintes. Et pourtant il m’éclaire. Parce que je sais de quoi il est fait. Parce que ce tableau est présent dans ma mémoire. Plus que d’autres. Parce qu’il constitue pour moi une sorte de racine, les œuvres des impressionnistes étant les premières que j’aie eu l’occasion d’apprécier, un jour d’été, au musée d’Orsay. Une vue initiatique.