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le carnet vert
12 janvier 2015

voyage pour charlie

Le jour de Charlie, j’ai voyagé. Ce jour-là, comme chacun de vous, j’ai été traumatisé, j’ai ressenti un chagrin immense. J’ai pleuré. Ce jour-là, aussi, j’ai pris du plaisir. J’ai voyagé. Après la manif, après avoir mangé sur le pouce chez les vrais chinois d’en face de la Poste, avec Elle, nous sommes allés au spectacle. C’était prévu. De la danse. Nous avons assisté pendant une heure à une chorégraphie que je trouvais de plus en plus envoûtante. La lumière était crue, les couleurs ternes, d’un gris bleuté assez peu festif. Aucune danseuse n’évoluait sur scène. Seuls huit hommes. Tout cela aurait pu me rebuter, déjà que je n’avais pas envie de rire. Mais non. Au début les danseurs se mouvaient en silence, sur un rythme lent qui me rappelait nos séances de yoga. Et comme au yoga, j’approchais dangereusement de l’endormissement. Je gardais un œil attentif sur les deux batteries disposées sur une estrade, encore muettes et dans l’ombre. Je me rassurais : il allait se passer quelque chose. Et de fait, lorsque les caisses ont résonné, sur un rythme de plus en plus endiablé, répétitif, non seulement j’ai soudain été captivé, mais en plus, j’ai voyagé. Je me suis revu quelques mois plus tôt au mariage de ma nièce, à Casablanca, lorsqu’un groupe de percussionnistes nous a maintenus en haleine pendant un temps que je n’ai pas mesuré, tandis que les femmes s’agitaient frénétiquement sur la piste. Ces hommes venus des montagnes, tous vêtus de rouge et chaussés de babouches jaunes pratiquaient, parait-il, une musique pouvant mener à la transe. Voilà ce que je ressentais, en participant à ce spectacle : une possibilité d’évasion, une envie d’aller tourner sur la scène avec les autres, alors que je ne sais pas danser, afin de mieux ressentir dans mon corps les injections du rythme. Voyager. Prendre du plaisir. Après le spectacle, revenu de mon étourdissement et compte tenu du fait que nous étions en deuil, puisque nous vivions le jour de Charlie, je devrais même dire le premier jour de Charlie, maintenant qu’on connait la suite, je me suis demandé si c’était bien d’avoir pris du plaisir ce jour-là précisément. Vous connaissez la réponse, évidemment : il faut continuer à vivre la tête haute, debout, comme avant, comme toujours. Libre.

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