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le carnet vert
21 octobre 2013

requiem pour une maison

Le grand marronnier pleure. La grille s’incline. Le fer se rouille. La verrière s’ouvre à tous les vents, surtout aux mauvais. Ce qui reste de mastic trouve moyen de s’écailler encore. Les dernières vitres protégeant le perron se couvrent d’une vilaine mousse.

La maison se meurt.

On ne peut parler de mauvaises herbes, n’est-ce pas, l’herbe ne peut être mauvaise. Indésirable disons. L’herbe s’élève à l’assaut du soubassement de meulière, le privant de sa beauté. Autrefois, dis-je, une allée de ciment faisait le tour de la maison. C’était moche, mais la meulière respirait.

Ici, autrefois, s’étendait un potager. Et puis là, le long de la clôture, ces arbres n’existaient pas. Seul un gros cerisier nous gratifiait d’une ombre bienfaisante, lorsqu’il s’agissait de manger dehors. On a oublié depuis longtemps de tailler les espaliers. Des ramées parsemées de lourdes pommes rouges s’en vont tutoyer le ciel. Le sol est jonché de fruits tombés, plus ou moins meurtris. Nous les ramasserons.

Voilà ce qui reste : de la meurtrissure, tandis que la maison se meurt.

Dedans, les murs suintent l’humidité et la mort. Le parquet terne, la moquette sale, le papier peint partant en lambeaux, tout donne envie de pleurer. Les nouvelles fenêtres et les cloisons abattues ne sont que du fard de rombière. Seule l’absence est réelle. Voici bien longtemps, cette maison veillait sur nos amours. Je revis avec une tendresse paradoxale cet après midi de premier de l’an, notre premier nouvel an, qui m’a vu malade à me tordre après avoir mangé des huîtres. Il se peut que les marennes aient eu bon dos et que j’aie été seulement terrassé par l’émotion. Va savoir. Bien plus tard je t’ai vu semer du gros sel sur le tapis afin de lutter contre une tache de mauvais vin. Déjà cela sentait la fin.

La maison revivra, bien sûr. Elle abritera d’autres rêves et d’autres amours qui ne sont pas les nôtres. Elle sourira, pimpante, dans la clarté d’automne diffusée par le grand marronnier. Elle sera une autre, elle aura laissé échapper nos vies. J’espère pour ses futurs occupants qu’elle cessera de suinter l’humidité et le malheur. Maintenant sortons. Une page se tourne.

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Commentaires
D
c'est vrai, c'est dur mais on doit tourner cette page
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S
C'est la fin d'un cycle, beaucoup de souvenirs y resteront mais passons la main, il est grand temps
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le carnet vert
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