petit déj sous la véranda

La véranda est entrouverte sur la fraîcheur matinale. Pas suffisamment pour qu’on perçoive le grondement lointain de la rivière jetant ses eaux noires sur le granit. La rosée luit dans le levant. On se lève pour mettre en fuite un geai. Celui-ci s’y connait en pillage de cerisier. Je suis du regard sa trajectoire mouchetée de blanc. Il disparait derrière la haie de thuyas du voisin. Je me demande toujours pourquoi on s’obstine à planter ces piètres résineux en lieu et place d’ormeaux et épines noires ou blanches. Traduction pour ceux qui se demandent : l’épine noire est le prunellier, avec les pousses duquel, macérées, on fait le vin d’épines. L’épine blanche est l’aubépine. Avec quoi, à ma connaissance, on ne fait rien, et dont le bois est d’une lourdeur et d’une densité incroyable. Tout à l’heure, avant de me rendre au salon, j’installerai l’échelle contre l’arbre. L’ambiance de la semaine à venir sera faite de confitures et de clafoutis. Un oiseau minuscule se dirige vers nous en picorant, nous observant par moment d’un œil que je veux espiègle. Il s’approche jusqu’à l’orée de la vitre ouverte. La chienne aboie brièvement, sans effet. L’oiseau est comme chez lui. C’est un pinson, parait-il. J’ignore s’il est gai. Je l’observe un moment, tout en finissant mon bol de café. J’aime ajuster mon regard à hauteur d’herbe. Voir miroiter les gouttes de rosée sur le vert tendre du ray-grass. Distinguer un improbable pétillement dans l’œil du pinson. Me délecter de l’infime. Il est maintenant temps de partir. L’ouvrage m’attend. Je chaparde quelques poignées de cerises que j’enfouis dans un sachet de papier kraft. Je me rends au salon du livre. Entre les dédicaces, je goberai les fruits et joncherai discrètement le sol avec les noyaux.

Comments

[Dalva123]

J'avais manqué ce texte là. Encore un beau moment.

[Praline]

Fais attention, à gober les cerises tu risques d'avaler les noyaux :)