un incendie

C’était le jour le plus chaud, je crois. Je me revoyais encore, peu de temps auparavant, debout devant le comptoir de la cave, m’essuyant le front avec mon mouchoir tandis que le tenancier préparait les cartons de garnatxa. Plus tard, la voiture filait droit sur un paysage de lointains bleutés et de blés murs. La vue était vaste, je me sentais petit. Et puis oui, il y avait ce blé, comme un soleil, éclatant incongrument à la vue dans une contrée où tout n’est qu’oliviers chenus et amandiers sombres.

Après avoir rangé le vin, nous nous retrouvâmes assis devant les tables rouges du bar, partageant blondes légères et vermouts amers, tandis que les conversations bruissaient insouciantes, semblant ne tenir aucun compte de la haute colonne de fumée s’érigeant au loin, témoin d’une garrigue qui s’embrasait. L’ambiance devint crépusculaire et de minces cylindres de cendres tombèrent sur nous et dans nos verres. Un instant la foule sembla inquiète, puis se remit à crépiter et à se lécher les doigts, gras d’avoir saisi les beignets de calmar.

Enfin on se tut. Des haut-parleurs accrochés aux tilleuls tombèrent en crachotant les accents primesautiers d’une jota. Chacun s’attendait à ce que le pregón exhortât les hommes à se rendre utiles. Mais il n’en fut rien. On apprit seulement qu’au matin, il faudrait avancer d’une heure le moment de sortir les poubelles. Des sourires entendus illuminèrent les visages, pendant que l’incendie continuait de ravager benoitement son coin de montagne.

Comments

[phil]

Fabienne : je ne sais pas, peut-être. C'était un feu sans conséquence, mais j'ai trouvé l'ambiance bizarre. Ne parlant ni le castillan ni le catalan, je n'en ai pas appris plus.

[fabeli]

Je viens de lire un roman de Jaenada, dont le héros est un terrible incendie en Sicile (ou Sardaigne?)



Ton texte laisse à penser que le feu peut devenir ordinaire?