la joie
La joie est partout, si on veut bien. Il suffit d’être attentif. Tu voulais savoir alors je te le dis : de la joie, pure et dure, de celles qui font que le lieu et l’instant nous appartiennent à jamais, lorsqu’après avoir déniché le chemin de la lande non loin d’un très gros chêne-vert, tel que c’était indiqué sur le livre, je me suis accroupi dans les hautes herbes pour jouer avec la moire des couleurs primaires. Et encore quand j’ai travaillé la lumière épousant des épis d’orge. Ou quand la marée haute miroitait sous le pont de la Seudre, occultant totalement les parcs à huîtres. Joyeuse violence à la vue de ces fameuses céphalanthères que nous nous promettions de découvrir un peu plus loin : elles s’épanouissaient insolentes à quelques centimètres des roues de la voiture. Je n’ai rien écrasé, je le jure. Le soleil me cuisit le front, tandis que je laissais bercer par une douce petite brise, et par le vacarme de l’océan, un peu plus bas. Nous avons encore inscrit la joie de nos pas dans le sable humide de l’anse, de l’autre côté de la dune. Ici, point d’orchidées, mais du lotier, des euphorbes et un tas d’autres plantes arénicoles dont j’ai la flemme de chercher les noms. Les hérons guettaient au loin, campés droits dans les roseaux, et cela me plaisait. Sur la route du retour, une trouée dans la forêt nous fit apercevoir au loin le miroitement splendide de la mer. Aurions-nous dû nous arrêter ? Nous nous contentâmes d’enregistrer mentalement. À table je veux croire que tu te régalais comme moi d’huîtres et de pain beurré, nos verres embués par le frais vin d’Oléron. Ces instants, qu’ils soient longs ou brefs, nous appartiennent, de même qu’un peu de nos racines se sont plantées là. Parce que la joie.