quatre couleurs
Dans la file d’attente au feu rouge, nous patientons devant la vitrine d’un artisan. Un menuisier, il faut croire. Il me semble qu’il est question de fenêtres et de volets. Entre autres. Chaque spécialité est symbolisée par une couleur. Rouge, bleu, jaune et vert. Quatre jolis carrés les uns sous les autres.
Quatre couleurs. Ça n’évoque rien chez vous ? Chez moi si. Je ne saurais dire à quel âge j’ai eu le premier. Ni qui me l’a offert. Pour un noël, alors que je ne croyais plus au bonhomme coca-cola ? Pour une autre occasion ? Allez savoir. C’était un beau cadeau, assurément. J’en avais rêvé. Suffisamment fort, peut-être, pour qu’on s’en souvienne. Un stylo à quatre couleurs. Un beau, métallique, avec de petits poussoirs aux couleurs discrètes. Un machin viril. De toute façon je parle d’un temps où le commerce ne regorgeait pas d’objets usuels exclusivement dessinés pour l’usage des enfants. Plus de quarante ans après, je le revois comme si c’était hier. Quatre couleurs. Bleu, noir, pas de problèmes, j’utilisais déjà. Rouge. Hum. À utiliser avec circonspection. Presque une couleur interdite, réservée aux professeurs et à leurs corrections rageuses sur les copies. Vert. Voilà une nouveauté qui me seyait à merveille. J’ai dû en abuser. J’aurais dû. J’aurais pu. Parce que je gage que mon merveilleux stylo n’a pas duré bien longtemps. C’était trop marrant d’actionner poussoirs et ressorts pour remplacer une pointe par une autre en un clin d’œil. En un clic, quasiment. Alors forcément il n’a pas fallu un temps infini avant qu’il soit hors d’usage, mort non pas d’épuisement (de l’encre) mais de mauvais traitements, paix à son âme.