agaves
Dès qu’on s’éloigne du rivage, la chaleur nous happe.
Je suis rassasié, mais j’aime cette odeur de poisson grillé qui serpente dans les ruelles blanches.
Nous partons photographier les chapelles orthodoxes (elles sont toutes orthodoxes, en fait). C’est notre premier jour ici. Nous ne sommes pas encore blasés d’apercevoir cette multitude de monuments éparpillés dans la campagne. Nous ne sommes pas blasés de débusquer plusieurs églises dans le moindre des villages.
Je cadre une chapelle à travers un rideau de branches d’oliviers.
Et puis une autre, comme accrochée aux pampres d’une vigne.
On perçoit un teufteuf asthmatique en provenance de plus haut. On ne voit rien encore, mais tu sais. Et je sais que tu sais. Je vois dans tes yeux briller de doux souvenirs d’autrefois.
C’est le même que celui de mon grand-père. Affirmes-tu avant même de l’avoir vu apparaître dans la courbe. Le motoculteur.
Je photographie la relique.
Je photographie une vieille 125 avec un cageot en guise de top-case.
Les crétois ne jettent pas les objets, semble-t-il. Ils les rafistolent et les usent jusqu’à la lie.
Nous revenons vers la mer.
Nous escaladons quelques rochers entre lesquels s’écoule le reflux. Nous nous déchaussons. Nous relevons le bas des pantalons. Nous trempons nos pieds. Elle est si bonne. Nous nous regardons en souriant.
Puis nous remarquons les tiges monstrueuses de quelques agaves, en bordure d’un ruisseau à sec. Nous ne savons pas encore qu’il s’agit d’agaves. Ni que cette plante ne fleurit qu’une fois tous les dix ans.
Clic clac merci Kodak. Les agaves mis en boîte.
Et je suis seul à immortaliser par la même occasion une sorte de pavot jaune qui pousse au bord du chemin. Tu ne les a pas vus.