le jour (mardi)
J’ai pris mon après-midi, mais ce n’était pas utile. Ce n’était plus utile. On nous a dit : pas avant 17h00.
Remarque, ça n’aurait pas été utile non plus que je m’attarde au bureau. Je n’aurais pas été un modèle d’efficacité.
Un peu avant 14h00, j’ai garé la voiture sur le parking du Leclerc. J’ai fait un tour dans la galerie marchande, puis je me suis dirigé vers le centre commercial voisin, où avait lieu le départ de la manifestation.
Le carnet vert n’est pas un espace dévolu à la politique. Mais. Disons que j’ai fait une partie de la manif. Pour être juste, à l’instant précis, je n’étais pas tellement préoccupé par les projets néfastes du gouvernement. Tu étais ma seule préoccupation. Tu sais bien.
À la manif, j’ai rencontré des gens. Certains de mes collègues. Certains des tiens. Des amis. Des gens qui savaient et qui s’inquiétaient de toi. D’autres qui ne savaient rien et qui prenaient mes paroles comme autant de coups de massues. D’autres à qui je ne disais rien, tu sais, genre ça va, oui ça va, rien de plus, des connaissances à qui on ne dit que du banal, du même pas vrai en l’occurrence.
Je sais, ô combien je sais, comme tu aurais aimé défiler et dire ta révolte à l’unisson. À un moment je m’étais posté près d’un rond-point, et je scrutais la foule à la recherche de visages connus. À chaque instant je m’attendais à te voir arriver, et bien sûr c’était impossible. J’étais ému de ça.
Tu ne pouvais pas être là, tu ne pouvais pas faire ce que tu estimais être ton devoir. Et moi je l’ai fait, même si ce jour là c’était le dernier de mes soucis. Le jour. Je l’ai fait pour moi, évidemment, nous partageons les mêmes valeurs, n’est-ce pas. Et pour toi aussi. Parce que je savais que tu serais heureuse de ça.