l'île
C’est possible que nous ayons été les derniers à quitter le bateau.
Nous n’étions pas pressés.
Nous avions le temps.
Il nous reprendrait six heures plus tard. Largement le temps de faire le tour de l’île.
Une île.
Tu prends un bateau, un matin.
Et tu te rends sur une île.
Tu n’as pas choisi le trajet le plus court.
Tu n’as rien choisi du tout, en fait.
C’est moi qui ai choisi.
J’ai choisi l’île et le bateau.
Nous voguons dans l’embouchure du fleuve.
De chaque côté du courant se dressent les piquets des parcs à huîtres.
Nous partons nous asseoir à l’arrière. Il fait à peine frais.
Il suffit que tu te serres contre moi. Si tu as froid.
Le sillage nous fait rêver.
Traits d’écume blanche dans l’onde verte et ostréicole.
Et le vent.
Le chenal est étroit, apparemment. Alors le bateau prend des angles étranges.
Nous ne voyons que le vert et le sillage.
Des ponts.
Des forts.
Des citadelles.
On a construit un fort en pleine mer. Pour verrouiller l’accès au bassin. Il n’a jamais servi à rien.
Ah, si. Les jeux télévisés.
Et puis l’île.
Pas loin de deux heures après le départ.
Je n’avais pas d’idée préconçue de cette île.
Alors je suis surpris.
Elle n’est pas que citadelle et glacis.
On y trouve aussi un village. Et une zone sauvage, presque forestière. Nous y marchons. Nous nous y reposons. Il faut trois heures pour faire le tour à pied, par le sentier côtier. Dit le dépliant. Cela inclut de larges arrêts sur les bancs. On trouve des bancs dans les coins les plus reculés. Dans l’ombre de je ne sais pas quels arbres. On domine de l’eau turquoise et des rochers.
Je fais un gros plan sur des arbouses.
On se croirait plein sud.
Si au loin on ne devinait la ville et sa verticalité.
J’aurais voulu rester sur l’île quelques jours.
Ou alors partons sur une île. Celle-ci ou une autre. Pour le plaisir de l’espace restreint et infini à la fois. Pour le plaisir du fracas des vagues sur les rochers. Pour le plaisir de la lenteur.