la péniche
Accoudé au parapet, il regarde pensivement la péniche amarrée en contrebas. Ou bien est-ce que son regard se perd dans les reflets bleu et or ? On a l’habitude de dire que ce fleuve est sale. Peut-être. N’empêche qu’on y rencontre des pêcheurs. De plus en plus. Et n’empêche qu’il y a des reflets bleu et or. Parce qu’il fait beau.
Un bref éclair blanc dans le champ visuel. Une mouette fuse au ras de l’eau.
Accoudé au parapet, il semble contempler la péniche.
La péniche le fait rêver. C’est un de ces bateaux qui a été depuis longtemps converti en habitation. Il n’a jamais pensé à mémoriser quoi que ce soit à ce sujet, mais il est quasiment certain que cette péniche est amarrée-là depuis des lustres. Immobile. Une maison flottante. Lui-même a rêvé de ça lorsqu’il était jeune.
Il éprouve un soupçon d’envie à la vue du salon de jardin disposé sur le pont de la péniche, vaguement protégé des regards indiscrets par un rideau de buissons en pots. Il s’y installerait bien. Il aimerait se reposer.
Il ignore si on parle de pont lorsqu’on évoque le dessus d’une péniche. Il ignore si ce terme s’applique à toutes les sortes de bateaux.
Autrefois il aurait adoré vivre sur une telle maison flottante.
Bercé par les lents mouvements du fleuve.
Enivré par les senteurs aquatiques.
Charmé par les reflets bleu et or irisant l’onde qu’on dit sale, parfois tranchée de l’éclair blanc d’une mouette fusant au ras des flots.
C’est un souvenir de jeunesse.
Aujourd’hui il a la sensation d’être en bateau. C’est pourquoi la péniche. Mais.
Il se sent plutôt à l’avant d’un rafiot chahuté par la houle. Il se sent sans protection. Encaissant vague après vague en pleine poitrine. Chahuté mais toujours debout, il ne sait comment.
Il se sent tout petit. Seul. Affrontant de son mieux la houle des sentiments.