épiphanie
Les vagues affluaient et refluaient
Inlassablement
Roulant dans leur vacarme
Algues et galets.
Il se plaisait à imaginer une plage déserte. Un vaste espace de solitude. Un désert plein de vacarme.
Il se plaisait à imaginer ce bruit, comme un halètement, formidable, plus fort que le halètement de cent mille motrices de TGV. Et un peu plus poétique, évidemment.
Il se plaisait à imaginer qu’il aurait marché au bord de l’eau. Seul. Que les galets violemment auraient heurté ses chevilles, roulés inlassablement dans le flux et le reflux.
Seul.
Il pleurait de joie à l’idée qu’il allait rentrer chez lui et qu’elles seraient là, qu’elles lui parleraient, qu’elles raconteraient les petits riens d’une journée ordinaire, qu’elles l’entoureraient, qu’elles partageraient avec lui la galette de rois (et des reines), parce que c’était le jour idoine.
Elles l’entoureraient. Il garderait pour lui ses idées de vacarme et de violence. Ses galets luisants projetés dans les chevilles. Sa plage déserte comme un cocon ouvert. Morte. Vivante. Haletante.
Elles auraient beau être là, près de lui, à semer des miettes de frangipane plein le carrelage de la cuisine, intimement il serait seul.
Seul.
On est seul avec ses rêves.
On est entouré, mais après ?
Il rêvait qu’il marcherait sur l’eau.
Non, il n’avait rien d’un christ. C’est une figure. Dans son rêve il pense qu’on croit qu’il marche sur l’eau.
En fait il faut s’imaginer une photographie. Il serait dans la photo. Il ne sait pas encore si l’image serait en couleur ou en noir et blanc. Ça n’a pas tellement d’importance. Il suivrait une petite étoile, le nez collé dans le firmament.
Seul.
Dans le rêve il serait seul. Il suivrait l’éclat presque imperceptible d’une étoile et il irait ainsi, marchant sur l’eau, c’est ce qu’on croit, parce que c’est ce que montre la photo.
En réalité il y aurait un subterfuge.
Ça existe, les reines mages ?
Ça a existé ?
Le subterfuge serait qu’il y aurait de gros galets, juste sous la surface de l’eau, qu’on ne verrait pas sur la photo, de gros galets sur lesquels il poserait les pieds, alors un spectateur peu averti pourrait imaginer qu’il marche sur l’eau.
Et les rois ?
Pour de vrai ?
Seul.
Il restait seul avec son rêve incongru dont il ne savait que faire.
Que faire de ce rêve là ?
L’ignorer ?
Le jeter ?
Le peindre ?
Le jeter en pâture au clavier ?
Ainsi pourraient naître des musiques maritimes.
Avec des vagues
Fluant et refluant
Et du vacarme de galets roulés.