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le carnet vert
8 août 2009

dernier parking avant la plage

Traverser la pinède. Aller jusqu'au bout de la route. S'engager sur le dernier parking avant, au cas où. Rouler au pas derrière les estivants rougis qui se dandinent au milieu du passage. Vérifier qu'il n'y a pas de place. Evidemment. Repartir dans l'autre sens. Rouler au pas. Parmi les estivants rougis qui se dandinent et ne s'écartent pas. Longer la file de voitures en stationnement sur la droite, prêtes à repartir, jusque très loin. Se ranger continuellement pour faire place aux véhicules qui viennent dans l'autre sens, qui serrent de près les voitures en stationnement sur le côté gauche de la voie. Eviter des estivants rougis qui se dandinent. Eviter des cyclistes qui vacillent, comme s'ils étaient groggy, tels des frelons délogés du nid par les pompiers. S'arrêter enfin au bout de la file de stationnement. Très loin. Sortir de la voiture. Faire gaffe où on met les pieds, il y a des chardons, des aiguilles de pin, des tessons de cannettes de bière, des crottes de chien, tout ce qu'il faut pour se piquer couper dégueulasser. Bon, une chance, pour repartir on est dans le bon sens, hein, ça gagnera du temps.

Sortir le sac Ikéa bleu et jaune. Avec les serviettes de bain, les sous-vêtements de rechange, la crème solaire, les livres. Sans le truc qu'on a forcément oublié de mettre dans le sac. Il y a bien un couillon qui reviendra chercher le truc en cause, je ne vous donne pas de nom.

Comble de la détestation, il se peut que l'heure ne soit point trop avancée, qu'on n'ait pas encore mangé. Dans ce cas, avant opération sac Ikéa, sortir glacière, s'asseoir pas loin, sous un pin, se retrouver avec des tâches de résine sur le short, inévitable, avec du sable dans la mie de pain, on se demande toujours comment c'est possible, mais c'est, et c'est même inévitable aussi. Et puis il y a forcément un gamin qui fait tomber son jambon par terre, qui le regarde ensuite d'un air consterné, il est tout noir de sable sale, c'est inévitable, qui se met à pleurer, voire. Ou alors c'est son œuf dur, déjà écalé bien sur. Et puis il mord dans une tomate, le gamin, c'est inévitable, et il se met du jus partout, comme de juste. Comme par hasard, il n'est pas torse nu, le gamin. Et puis en insistant un peu, il faut de la volonté que diable, il parviendra aussi à parachever le travail en croquant dans une pêche trop mure. Et je n'aborde même pas l'éventualité de la présence d'un melon dans la glacière, mais tout est envisageable.

Bon. Passé cet intermède repas facultatif. Sortir, donc le sac Ikéa, avec des trucs dedans. Sans les trucs qu'on oublie dans la voiture. S'engager dans le troupeau des estivants rougis qui se dandinent encore tous dans le même sens, à cette heure-ci. Si on a de la chance, allez on va dire qu'on en a, il y a un sentier qui sinue dans les dunes, à l'écart de la route. On joue perso, donc, on prend le sentier, on ne suit pas le troupeau des estivants qui préfèrent se dandiner sur la route et emmerder les gens en voiture qui s'obstinent à aller voir s'il reste de la place sur le dernier parking avant. Parce que la route, elle est rectiligne, ça fait moins de chemin à faire, quand même, faut pas déconner. Arriver enfin au pied de la dernière dune. Très loin. Après même le dernier parking avant la plage. Se retrouver parmi les estivants rougis qui se dandinent encore plus lamentablement que sur la route. Parce que la dune elle est raide. Pester parce qu'on peut difficilement les dépasser, tout bardés qu'ils sont de sacs de plage, de bouées gonflées, de matelas pneumatiques, de planches de surf, et que sais-je encore de quels trucs le plus encombrant possible. Et puis déjà se boucher le nez. Parce que rien que dans la dune, ça pue l'ambre solaire. Arriver péniblement en haut de la dune. S'arrêter pour profiter du spectacle tout simple de l'océan qui roule dangereusement son écume sur la grève. Mais on gêne, là, faut pas s'arrêter, il y a le troupeau des estivants, derrière, qui pousse, qui est pressé d'aller se mettre du sable plein le slip. Repartir. Donner un coup d'œil périscopique à droite, à gauche. Découvrir avec lassitude qu'il reste un nombre infime de mètres carrés non couverts de serviettes, de corps rougis et huileux, de gens qui jouent à la baballe, de gosses qui creusent des trous. Finir par s'approprier un emplacement. Etaler sa serviette. S'allonger dessus. Recevoir du sable dans la figure, il y a forcément un couillon qui se met dans le vent pour secouer sa serviette. Manger du sable. Avoir du sable plein le slip. Avoir du sable entre les pages du polar. Que de toute manière on n'arrive pas à lire. Parce qu'il faut surveiller les gosses. Et puis on est distrait par le mouvement inlassable de l'océan. Et par le passage des gens. Et puis il faut aller rechercher les trucs qu'on a oubliés dans la voiture. Parce qu'évidemment c'est des trucs indispensables.

Avec un peu de chance on pourra se baigner, l'eau n'est pas toujours trop froide, il n'y a pas toujours des baïnes, ni de vent contraire, parfois le drapeau est vert pour la baignade. Mais les rouleaux sont forts quand même, on a vite fait de se retrouver sens dessus dessous. Avec encore plus de sable dans le slip, du mouillé cette fois, ci ce n'est pas un paquet d'algues. Au bout d'un bref instant remmener les enfants sur la plage, parce qu'ils grelottent, ensuite les surveiller de loin comme on peut, quand les rouleaux permettent qu'on reste debout. Puis regagner son mètre carré de sable. Secouer sa serviette sur un estivant rougi. S'allonger dessus. La serviette, pas l'estivant rougi. Fermer les yeux. Se laisser aller un peu. Voire ignorer les cris des enfants. Rester comme ça longtemps. Sans penser à rien. S'apercevoir beaucoup trop tard, quand ça commence à brûler, qu'on a oublié de se badigeonner d'ambre solaire, qu'on va ressembler à un estivant rougi. Voire à un tourteau ébouillanté.

août 2005

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Commentaires
P
Fabeli, ravi de t'avoir fait rire et ravi de voir que tu es revenue.
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F
Je t'ai suivi de bout en bout, du parking à a plage, avec le sac et les mômes, et les estivants rougis qui se dandinent!!!<br /> <br /> C'est excellent! Merci pour cette tranche de rire matinale!
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P
Dernières nouvelles : hier nous nous sommes rendus, sans gosses il est vrai, sur ladite plage et nous avons passé un excellent moment (il faut dire qu'il ne faisait pas très très beau). Alors tout ceci n'est-il que fiction, finalement ?<br /> :-)
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Z
bien ri aussi. la plage me manque qd même(20 ans sans).
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M
Et après ça on peut sabler le champagne en rentrant !!!
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le carnet vert
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