neige
J’aimais ce silence. La qualité de ce silence là. Je peinais un peu dans la montée et je n’entendais que le crissement de mes skis dans la trace, et si peu que je m’arrêtasse, il n’y avait brièvement plus rien. Jusqu’à ce qu’on entende soudain un paquet de neige chuter des branches d’un épicéa, comme un chuintement, une fermeture à glissière qu’on ouvrirait d’un coup sec, ponctué bientôt d’un choc mat en arrivant au sol immaculé et scintillant du sous-bois.
Je savourai ce silence. Bientôt il y aurait les ahanements et les voix de mes compagnons. Bientôt la piste obliquerait vers le sud et alors le silence serait couvert par le sifflement produit dans la descente par les skis aux semelles recouvertes d’écailles. Peut-être y aurait-il des chutes. Avec des rires ou des grincements de dents, c’est selon. En bas on ferait une courte halte, le temps de se recomposer. Un peu dépité on entendrait sans le voir le trafic automobile sur la nationale, quelque part dans le resserrement d’une combe, au creux du moutonnement sombre des ubacs plantés de conifères.