l'atelier du menuisier
La porte de ma grange est foutue. Les planches rongées par les intempéries partent en lambeaux, la serrure ne fonctionne plus, il faut maintenir la porte avec des pierres, mais ça ne résiste pas aux coups de vent. La dernière tempête ne l’a pas épargnée. Elle est encore plus foutue. Encore une chance, elle n’est pas tombée, elle n’a même pas, en claquant, cassé les branches du figuier.
J’ai trouvé un menuisier, pour refaire une nouvelle porte. Je dis ça comme si c’était un exploit. Et bien oui, c’est un exploit, car va trouver un artisan du bâtiment qui soit disponible, maintenant, et quel que soit son corps de métier. Va trouver quelqu’un qui soit intéressé par les pauvres travaux commandés par un particulier.
Je connaissais ce menuisier indépendamment de son métier et du mien. Sans être amis intimes, nous avons des relations cordiales lorsque de loin en loin nous nous rencontrons. Peut-être que ça aide à accélérer les choses, je ne sais pas.
Les travaux vont se faire incessamment. Ma porte est en cours de fabrication. Hier soir je lui ai rendu visite dans son atelier afin de lui remettre la peinture destinée à protéger le bois. Nous avons parlé un moment. Puis il m’a fait visiter son atelier. En effet je n’y étais jamais venu. Je ne suis pas un manuel, mais j’aime bien ce genre d’ambiance, les machines, les établis, les collections d’outils, la sciure par terre, les diverses essences de bois, les planches brutes empilées là, les morceaux de meubles ou d’escaliers attendant d’être assemblés. Le menuisier m’a montré le bois encore brut qui allait devenir ma porte. Puis il a soulevé une bâche, et m’a montré un empilement de pièces d’un bois pâle tout lisse, au bord doucement arrondi. Ce sont des marches d’escalier m’a-t-il expliqué, c’est du frêne. Il faut les protéger de la lune. De la lune ! Oui, la lumière lunaire fait travailler le bois, alors c’est pour cela qu’on met la bâche.
L’atelier n’est pas grand. La visite n’a duré qu’une dizaine de minutes, mais je l’ai vécue comme un immense honneur. Il était tellement fier de me montrer son domaine, ce menuisier.