un délice

Je défroissai le papier terni, et à l’intérieur il ne restait qu’un infime morceau du cœur de Neufchâtel. Dans la partie courbe du cœur, je dirais celle de gauche, mais sans certitude. La croûte blanche commençait à peine d’arborer un mince friselis jaunâtre du meilleur augure. La partie centrale un peu grumeleuse était réduite à une mince ligne de deux millimètres d’épaisseur, tandis que le reste montrait un aspect lisse et nacré, que je pris le temps d’observer avec délectation. Il y avait là matière à couvrir voluptueusement un morceau de pain, mais je n’en fis rien. Je croquai dans ma tartine tout un coupant la moitié du morceau de cœur que je déposai artistiquement quasiment au centre de mon assiette. Du blanc sur le blanc de la porcelaine. Délicatement je pris une bouchée de cœur, et je ne sais pas si c’est à cause du pain que j’avais mastiqué préalablement, ou du passage du fromage dans la vinaigrette mal essuyée au fond de mon assiette, ou la conjonction de tout cela, à moins que le cœur ait atteint quelque point sublime de sa maturité, toujours est-il que je crus succomber de plaisir. C’était comme si l’étable s’était soudain ouverte sur la pièce, ou non, pas l’étable, le fenil plutôt. Oui, c’est cela, je mangeais du fromage, et ce faisant j’évoquais le foin, et c’était bon. Je sus résister à la tentation : pour demain il me resterait un morceau de cœur de Neufchâtel, j’en salivais déjà.

Je vous souhaite une bonne semaine.

Comments

[Bé]

ben, ca y est, c'est réussi, j'ai l'eau à la bouche et pas de coeur en vue....

[TJ]

Joliment raconté! Il y a parfois des rencontres qui font exploser les papilles de plaisir et d'autres qui les font se fâcher...
Et le cœur de Neufchâtel se partage... de bon cœur, n'est-ce pas?

[fabeli]

Oh! ça c'est sympa d'en laisser un bout pour les gourmands de passage!!!
Bonne semaine à toi