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le carnet vert
25 janvier 2009

le mur gris

Enfants, notre domaine était le jardin. En cela notre famille ne différait sans doute pas du commun.

On nous avait appris à respecter les pelouses.

(Respecter les pelouses : quel formule inepte emploie-je là, lue et relue, à n’en pas douter, sur les petits panonceaux qui rappellent aux promeneurs que dans les squares et les jardins publics, un tas de choses sont interdites.)

Quoi qu’il en soit on nous avait appris à respecter pelouses et cultures, et tout jeunes nous savions que par là nous respections le travail de notre père.

Cela n’empêchait nullement le jardin, et par conséquent les allées et le bac à sable, d’offrir d’innombrables possibilités de jeu que je pourrais raconter à l’infini.

Cela ne nous empêchait pas, ainsi limités aux allées, de faire innocemment des choses qui s’avéraient mériter la réprobation des adultes.

Un jour gris, oui je me souviens qu’il était gris, nous riions et nous nous amusions de notre haleine qui montait en nuages denses dans le ciel froid, quand soudain, tel un diable jaillissant de sa boîte, la voisine furibarde apparut au balcon de son pavillon pour nous tancer.

Soit dit en passant, je n’ai jamais vu en vrai de diable jaillir d’une boîte.

La voisine était une vieille bonne femme toute moche, toute ridée, assez peu agréable, et nous n’aimions pas aller chez elle, ce qui par bonheur n’arrivait que rarement, parce que définitivement ça sentait le chou. Elle parlait avec un accent rocailleux venu du fin fond d’une campagne que j’imaginais ingrate, ce qui avait pour effet de l’éliminer de la liste des possibles sorcières (de Blanche Neige). Voila qui n’est pas très rationnel, j’en conviens, mais nous n’imaginions tout simplement pas qu’une sorcière puisse s’exprimer avec un accent campagnard, c’est ainsi.

La maison de la voisine était moche aussi. C’était un pavillon à deux niveaux, donc assez trapu, carré, dont le crépi était gris foncé. Pas du gris de crasse comme on en voyait sur les bâtiments anciens avant qu’on les rénove, non. Le crépi était gris d’origine. Anthracite, quasiment. Une idée de génie pour égayer la banlieue, assurément.

Que font des enfants dans un jardin lorsqu’ils disposent d’une couche de plusieurs centimètres de neige fraîche ? Ils font des boules de neiges. Et que font-ils des boules de neiges lorsqu’ils se sont lassés de se les envoyer mutuellement par la figure ? Lorsqu’ils ont pleuré puis fait la trêve ? Ils rentrent au chaud ? Que non : ils disposent d’une surface sombre qui ne demande qu’à être blanchie, le mur du pavillon de la voisine, qu’ils se mettent soudain à canarder jusqu’à perdre haleine, et ça fait un joli effet pointilliste, ce mur sombre maintenant tout ocellé de taches blanches.

Nous jetions les boules de neige en riant, et nous appréciions le petit bruit mat qu’elles faisaient en s’écrasant sur le crépi gris de la voisine. Nous étions bien loin de nous douter que ce petit jeu innocent et esthétisant avait pour effet de faire du bruit également à l’intérieur. Aussi fûmes nous effarés plutôt que confus quand la voisine nous en informa avec l’aigreur que l’on sait.

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Commentaires
T
Tu as donc çà aussi? A croire qu'on ne vit pas sur la même planète!<br /> Enfant, nous n'avons pas les mêmes valeurs!
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