combats aériens
Retour de marché : les heures chaudes. Le repas se termine dans l’ombre clairsemée du cerisier. Il n’y a que là qu’on puisse tenir lorsque la chaleur se fait cruelle.
Envie que le temps ralentisse.
Envie que les membres s’assouplissent sous l’effet d’une décontraction méritée.
Je sirote le fond de ma tasse de café. Je me détends. Je relâche encore un peu mon assise. De ce fait je suis tenté de contempler le ciel. Une large tranche d’un beau bleu se découpe entre le feuillage épars du cerisier et la frondaison du noyer voisin.
Très haut au-dessus de nous se déroule un ballet silencieux. Un grand nombre d’hirondelles dessinent de vertigineuses arabesques sans qu’aucun sifflement strident ne parvienne jusqu’à nous. Le centre de cette danse mouvante se trouve être un autre oiseau, un rapace dans les longues plumes flamboient dans la lumière crue.
J’observe un moment cette sarabande et soudain je me rends compte qu’il ne s’agit nullement d’une danse, mais d’un véritable combat aérien. Les hirondelles virevoltent et viennent à tour de rôle, dans une accélération fulgurante, frôler le rapace, et peut-être le frapper d’un méchant coup de bec, ça je ne peux pas le voir, les oiseaux sont beaucoup trop haut. Cela dure de longues minutes pendant lesquelles les hirondelles ne se lassent pas de harceler l’oiseau dix fois plus gros que chacune d’entre elles. La mêlée dérive progressivement vers le sud, disparaît soudain à ma vue, dissimulée par un branchage. Et puis je revois bientôt mon carré de ciel bleu habité à nouveau par un ballet d’hirondelles. Un ballet beaucoup plus calme cette fois. Elles ont gagné. Elles ont chassé l’intrus. Elles ont repoussé le danger qui menaçait certainement leurs nids.
Ce combat aérien me renvoie à mes lectures d’enfant, aux récits de Clostermann publiés dans la bibliothèque verte, dans lesquels s’affrontaient Spitfire, Junker et Messerschmitt (j’ai oublié le ou les titres). Je pense aussi à un volume lu plus tard, un vieux bouquin aux pages jaunies, « La vallée heureuse », autrement dit les bombardements de la Ruhr pendant la seconde guerre mondiale, décrits par Jules Roy.