lumière
En ce moment la nuit s’étire un peu longuement à mon goût, elle prend largement ses aises. Elle enveloppe encore la campagne quand je prends ma route quotidienne.
Je n’aime pas trop conduire de nuit. Je suis facilement ébloui par les phares des autres voitures, et les routes secondaires ne sont pas bordées de bandes blanches luminescentes. On se fiche pas mal de la sécurité des habitants des campagnes. Je suppose que les statistiques de fréquentation ne justifient pas de nous faire de belles routes. Tuons nous donc joyeusement.
Enfin là n’est pas la question. Ce matin, en conduisant, j’avais l’impression de ne pas voir grand-chose. Et hier matin c’était pire. Ce qui m’empêchait de profiter d’une conversation débridée avec mon passager occasionnel, il fallait que je me concentre sur la conduite. Que je voie mal n’est pas un scoop, je ne me suis pas formalisé plus que ça. Sauf qu’en entrant dans le parking, consternation, j’ai constaté que seul mon feu de croisement de droite se reflétait sur l’arrière du véhicule me précédant.
J’étais consterné, parce que je sais que de nos jours changer une ampoule soi-même sur son auto est devenu mission impossible. Tout est inaccessible à une main non expérimentée. Et pas douée, oui, si on veut.
La première chose que j’ai faite hier soir, alors que le jour déclinait dangereusement, ce fut d’entreprendre de changer cette fichue ampoule.
J’ai trouvé aisément la boîte de lampes de rechange, et j’ai ouvert le capot. Un bref coup d’œil à l’intérieur, et je l’ai bien vite refermé, c’est bien ce que je pensais, les choses sont inaccessibles, c’est quand même malheureux de devoir aller chez le garagiste pour si peu, je n’ai même pas le moindre créneau disponible. Consternation à nouveau. Tant pis, je vais essayer. J’ai ouvert le carnet d’entretien et à la bonne page j’ai lu qu’il suffisait d’ôter le cache, de dévisser le support d’ampoule, de faire glisser les languettes, de retirer l’ampoule, de mettre une nouvelle ampoule à la place, de remettre celle-ci là où il faut, de revisser le support, de remettre le couvercle. Rien de plus simple. Sur le papier. Sauf qu’il était impossible de retirer le cache, mes mains ne trouvaient pas le recul nécessaire. J’ai relu la notice. Ah oui, il y avait un n.b. : du côté gauche, il fallait au préalable défaire le couvercle de la boîte à fusible. A la bonne heure, me dis-je. Je m’y remis. Effectivement les trucs en plastique ont daigné s’enlever sans trop de problème. Sauf que je n’avais toujours pas suffisamment de recul pour travailler sans m’érafler les mains, et qu’il fallait agir à tâtons. Dévisser le truc et enlever l’ampoule usagée, soit. Mais remettre le tout en place, à tâtons je l’ai dit, je ne vous explique pas la galère. Je ne suis pas sûr d’avoir pu remettre les choses exactement comme elles devaient l’être. Ça m’a pris un temps certain, pour ne pas dire un certain temps. Résultat, ce matin j’ai encore un mal de dos terrible. Le dessus de mes deux mains est tout rouge, j’ai deux coupures, infimes mais douloureuses, au majeur droit, une brûlure sur chaque pouce, à force de frotter sur le même bout de ferraille. Je suis content. En tous cas mes phares s’allument.