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le carnet vert
24 mai 2007

cérémonie

Il fait chaud. Pour la circonstance j’ai enfilé ma veste la plus sombre, bien qu’elle commence à être légèrement élimée. Je transpire, et pourtant je tremble. J’espère que mes jambes continueront de me porter sans défaillir.

Sur le côté de la cathédrale, de petits groupes de gens se font et se défont de manière anarchique. J’imagine les machins informes qu’on nous faisait observer autrefois dans les microscopes du lycée. Pourquoi donc me mets-je à penser à des trucs bizarres ? Ce n’est pas le moment. Aussi je m’en veux un peu. Je voudrais du silence plutôt. Le silence se fait en moi. Je n’entends plus le bourdonnement des conversations à voix feutrée. Que le silence.

Le convoi mortuaire recule jusqu’à une porte latérale. Un employé confit invite l’assistance à se ranger.

Le silence toujours en moi.

Mes yeux s’emplissent de larmes. Je me donne la contenance que je peux.

Le silence.

Nous sommes toujours immobiles, à attendre que les employés de pompes funèbres aient préparé les lieux.

Il fait trop chaud, mais je tremble quand même.

Je lève les yeux.

Je remarque au dessus d’une ouverture arrondie, peut-être une des plus anciennes de l’édifice, une corniche ornée de quelques modillons aux sculptures grimaçantes. C’est étrange, je n’avais encore jamais remarqué ces têtes patinées par les siècles et légèrement moussues, de telle sorte que la lumière de l’après-midi leur procure un bel éclat vert tendre. Je me prends à penser à l’art roman et à comparer avec des sculptures vues ailleurs, tandis que le cortège s’ébranle. On m’objectera peut-être que je ferais mieux d’être recueilli. Mais je suis recueilli. Et je ne pense pas que ça déplairait à celui qui s’en va que quelqu’un se recueille dans la contemplation de l’art roman. Le présent, témoin du passé. Celui qui part était féru d’histoire, alors cela lui aurait plu, oui. Comme cela lui aurait plu aussi qu’on boive un coup à sa mémoire.

Le silence est en moi.

Je me recueille et je prie et je pense au défunt à ma façon. Je ne sais pas le faire de la façon religieuse. Mais je le fais tout de même. Et je préfère même le faire là, dehors, plutôt que lors de la cérémonie qui sera pour moi d’hermétisme rébarbatif.

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Commentaires
T
Les signes extérieurs ne sont pas toujours les plus vrais.
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D
Il existe plusieurs façons de se recueillir. Et la tienne est très belle et touchante.
Répondre
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