collection Phillips
Le tableau qui m'inspire le plus s’intitule « les paveurs ».
Ce n'est pas celui dont on voit un détail sur le ticket d’entrée. Celui-ci, qui vous dit certainement quelque chose, c’est « le déjeuner des canotiers » de Renoir. C’est le seul tableau de grand format de l’expo, difficile à approcher, car les visiteurs s’amoncellent devant lui, peut-être comme moi impressionnés par le rendu des verres et des bouteilles posés sur les tables.
« Les paveurs » ont été peints par Van Gogh dans une rue d’Arles. A la vue de ce tableau j’ai été instantanément saisi de vertige. Impression dérangeante s’il en est. Je me sentais irrémédiablement entraîné vers le bas, au gré des courbes déprimantes ondulant sur les troncs torturés des platanes. Ce qui me dérangeait le plus, je crois, c’est l’opposition entre ce mouvement descendant suggérant un désespoir sans fond et les couleurs acidulées plutôt gaies choisies par l’artiste. Je suis peut-être le seul visiteur du moment à avoir éprouvé une telle fascination pour ce tableau, on ne se bousculait en effet pas autour de moi. Je crois que si j’étais venu seul, je l’aurais contemplé vraiment très longtemps.
La visite de cette exposition a été tout à fait vivifiante. Je me souviens entre autre d’un Courbet représentant un paysage marin (ce qui change de ses habituelles falaises jurassiennes), d’un personnage de Daumier que le peintre a su mettre en valeur par le jeu d’un éclairage subtil, d’une étrange nature morte de Roger de la Fresnaye (« la mappemonde »), d’une grosse tête d’homme qui marche sculptée par Giacometti, pour ne citer que les œuvres qui m’ont le plus marqué. Un tri échappant à la volonté s’opère ainsi instantanément dans la mémoire ; n’empêche, chacune des soixante et quelques œuvres exposées mérite qu’on s’y arrête. Vraiment c’est une belle collection. Que je vous conseille d’aller voir sans tarder.